L’économie populaire communément appelée secteur informel représente un amortisseur social sans filet sanitaire adéquat. La majorité des africains sont en emploi précaires. Ils ne bénéficient pas d’un cadre leur permettant un accès aux services de santé, limitant ainsi leur capacité à contribuer positivement à nos économies.
Investir dans les mécanismes de formalisation de l’économie populaire permettront de mieux chiffrer la contribution à la RSE. Il est de notre responsabilité de se pencher sur la question fondamentale de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) en Afrique.
La RSE face à l’économie populaire
la RSE regroupe l’ensemble des pratiques mises en place par les entreprises pour respecter les principes du développement durable. Cependant, commerçantes à Ndjaména, artisans à Windhoek, couturiers à Casablanca, ferrailleuses à Abidjan, mécaniciennes à Johannesburg, plombiers au Caire, maçons à Brazzaville, chauffeurs de matatu à Nairobi sont les grands absents de cette définition. Ces entreprises, exclues des statistiques formelles, ne font pas partie de notre concept décontextualisé de la RSE.
En pratique, les secteurs formel et informel s’imbriquent. Plus souvent qu’on ne le pense, des employés du privé ou du public ont des activités secondaires informelles. Accepter ce contexte, permettra de repenser la question de la RSE dans un environnement dominé par le secteur informel.
Nous savons que le secteur formel en Afrique est de petite taille et tourné vers les exportations. Fort de ce constat, les entreprises ne pourront être le levier de la RSE tel que nous la connaissons. Ailleurs, cette dernière s’est forgé au fil des progrès dans l’agriculture, dans l’industrialisation et dans la transformation structurelle. Ayant sauté certaines de ces étapes, nous nous devons de repenser le modèle RSE pour l’Afrique.
Nos entrepreneurs ont besoin de conditions adéquates pour exceller. Leur santé mentale, leur santé physique et leur santé financière se construisent sur la base de la santé structurelle de nos économies. L’objectif est qu’ils puissent contribuer, non seulement au développement de leurs vies mais aussi à celles de leurs communautés.
Le pari Micro Petites et Moyennes Entreprises (MPME)
Nous devons réussir le pari de l’emploi. La RSE se focalisera sur les conditions nécessaires pour la création d’emplois décents. Travailler décemment valorise et permet de se projeter dans le futur. Ce futur requiert un investissement dans la santé individuelle et communautaire.
Certaines actions RSE visent à améliorer la santé des employés, des clients et de la communauté. Ces actions ne font qu’effleurer les problèmes liées au secteur informel. Aussi, avec un nombre limité d’entreprises formelles, pouvons-nous considérer la RSE comme un levier dans le domaine de la santé en Afrique ?
A priori, non, car la RSE s’inspire de contextes différents qui ne s’applique pas nécessairement au nôtre. Cependant la COVID-19 a démontré l’engagement des entreprises à stabiliser l’équilibre sanitaire précaire. À ce titre, la RSE ne peut pas résoudre ce problème. Nous avons besoin de ressources sur le long terme. L’allocation annuelle n’est pas en adéquation. L’extension sur trois ans commence à donner une meilleure visibilité à l’entreprise sur son investissement.
Contextualiser la RSE
Il y a cependant, à mon avis, une RSE contextuelle. Elle met en avant les compétences premières des entreprises.
Ainsi, une institution financière qui intervient dans la lutte contre paludisme et les maladies non transmissibles peut influencer les décideurs économiques et financiers. Un exemple serait de prioriser la santé dans la budgétisation de l’état. Un autre de mener des actions avec la société ville. Et finalement impliquer les les employés dans des actions locales coordonnées. Il faut aussi encourager une meilleure politique liée aux performances ESG – Environnement, Social, Gouvernance.
Nous devons renforcer le plaidoyer stratégique et le professionnaliser dans nos institutions. Les responsables RSE doivent être des cadres formés en la matière. Aussi, les urgences et les réalités quotidiennes des entreprises ne mettent pas l’accent sur le plaidoyer institutionnel comme un levier pour une meilleure santé en Afrique. Cependant, d’autres jouent sur ce champ pour drainer plus de ressources vers leurs activités. Nos pays doivent s’assurer de mieux contribuer pour mieux recevoir. Néanmoins, l’aide au développement a créé une dépendance qui limite la possibilité de lever des ressources nationales conséquentes.
Un autre point à considérer est la mutualisation des ressources du secteur privé pour endiguer des fléaux tels que les maladies tropicales négligées qui mettent nos populations rurales dans des conditions évitables et traitables. Nous ne pouvons plus nous limiter à des actions citadines car la majorité des africains sont encore en zone rurale.
Finalement, on pourrait bien imaginer un modèle où la diaspora mutualise pour un meilleur accès aux communautés. Plus souvent chaque membre mobilise pour régler des problèmes spécifiques pour l’oncle, la tante ou la nièce.
Pour y arriver, la RSE contextualisée renforce le secteur informel. Cette dynamique s’accroit avec la confiance dans nos institutions nationales. Aussi, le secteur privé est un intermédiaire de premier choix pour faire de la RSE un levier de transformation. À la croisée des chemins, renforcer ce que nous avons, fera la différence pour nos communautés.